“Diminish the pain of distance. Work on it every day.”
“Comme nous retournions dans la cabane, à la nuit tombée, je me souviens qu’il m’a dit:
-Evite la tiédeur. Brûle-toi si tu veux, gèle si ça te chante, mais choisis. Si tu te brûles, sois la braise. Si tu te gèles, sois la glace.
Il s’est assis au bord du feu et il a plongé sa main parmi les tisons, pour les raviver. Je m’en suis effrayé, je lui ai demandé s’il n’avait pas mal. Il m’a dit:
-Au début il te chatouille, ensuite il t’aime parce que tu es le feu avec lui.
Il m’a dit aussi:
-Diminue la douleur de la distance. Travaille à cela tous les jours.
J’ai pensé (il faisait nuit, j’étais fatigué, j’avais de la peine a ne pas m’endormir devant la flamme de la lampe): “Diminuer la douleur de la distance? Qu’est-ce que cela peut bien signifier? Il faudra que je demande au Chura.” Je l’ai interrogé sur le chemin du retour. Il a refusé de me donner la moindre explication. Il m’a dit:
-Les mots ne sont que des lueurs, des signes. Ils sont les portes des mémoires. Les choses derrière les mots, voilà l’important. Le vieux a inscrit dans ton corps tout ce dont tu auras besoin jusqu’à ta mort, et au-delà. C’est en toi maintenant que tu dois chercher tes réponses.
-Mais comment les trouver, Chura?
-Par le sentir. Et t’apprendre le sentir, c’est mon affaire, ne t’inquiète pas.”
Extrait de Les sept plumes de l’aigle de Henri Gougaud.