DÉMARCHE ARTISTIQUE

« La création de Juliette June débute avec la vision, car voir chaque chose dans sa vérité propre c’est déjà créer. Cela semble être le secret de son art : son émerveillement insoumis à sa culture pourtant vaste mais qu’elle oublie au moment de peindre. » 

Jean-François Larralde, historien d’art, professeur et conférencier

Mon processus de création se fait en trois temps : toucher le paysage, le tracer, le transmettre.

TOUCHER

Notre corps est la porte d’entrée pour se connecter à ce qui est. Nos 7 sens (incluant la proprioception) constituent les précieux outils qu’en tant qu’artiste, j’ai le devoir de développer et d’affiner pour accueillir le nectar présent en toute chose.

Faire l’expérience d’un paysage implique plusieurs dimensions d’intégration. D’abord, on le voit et je partage avec le philosophe Alexandre Lacroix l’idée que « voir est aussi immédiat que toucher ». Si on prend le temps d’écouter nos sensations, on le perçoit par une multitudes d’autres entrées corporelles (odeur, bruit du vent, chaleur, sentiment de quiétude ou d’angoisse). Le jour, c’est la luminosité qui nous embrasse en premier ; la nuit, c’est une autre histoire : le hululement de la chouette nous saisira plus fort encore.

À la différence du peintre Gérard Traquandi qui écrit en 1998 dans ses notes d’atelier: « L’expérience du paysage se fait en le traversant, en le pénétrant ; le paradoxe du peintre, c’est de mettre à plat cette pénétration. », je crois que si nous sommes suffisamment poreux, c’est le paysage lui-même qui nous traverse et nous, artistes, humains, sommes comme le filet jeté dans la mer du philosophe Plotin : « Il est tout plein d’eau, il ne peut garder cette eau dans laquelle il vit, mais la mer s’étend et le filet s’étend avec elle. »

C’est pourquoi, je danse souvent dans des lieux divers pour entraîner ma capacité d’écoute, ouvrir les mille et une paupières qui parsèment ma peau jusqu’à ce, lorsque le vent glisse sa main dans mes cheveux, je me demande : qui touche qui ?

Toucher. Toucher. Toucher. Être touchée. Voilà le premier temps de ma démarche artistique.

TRACER

Pour donner forme à ces sensations intérieures, je dessine, je peins, j’écris.

D e s s i n
Je dessine sur des petits formats facilement transportables, principalement au crayon aquarelle pour la ligne et à l’aquarelle pour les surfaces que je mouille et frotte au chiffon dans ma quête d’effets aléatoires. Car si les dessins sont issus d’observations visuelles (une rangée d’arbre au coucher du soleil), retranscrivent des sensations physiques (la porosité des mains) ou bien soutiennent ma recherche de mémoire d’une forme spécifique dans un tableau (comment serpentait cette rivière en Nouvelle-Zélande déjà ?), ils servent surtout la découverte de révélations qui ne viennent pas de mon intention.

P e i n t u r e
Pour traduire le tissu énergétique qui compose le réèl, je pars souvent de l’expérience d’un paysage liée à une sensation intense (la lumière fluo des seaux éparpillés sur une plage, la fraîcheur d’une pierre sur laquelle je me suis allongée).

L’outil photographique limitant ma perspective de l’expérience, je l’ai laissé de côté depuis 2019. Je l’ai remplacé par la mémoire, la vulnérabilité et l’imagination ; trois qualités qui, aidées par l’usage du repentir, des transparences et des coulures que la peinture à l’huile permet, ouvrent plusieurs espaces de narration à l’intérieur du tableau. La figuration y tutoie l’abstraction. Les petits formats servent de terraind‘étude à des œuvres plus majeures.

P o é s i e
Ma gorge est un accès aux étoiles, à mes ancêtres. Mes poèmes me viennent, je ne les provoque pas, je les écris dans mon journal, les récite lors de performances.

TRANSMETTRE

Il s’agit de partager le nectar avec le public à travers exposition, performance et enseignement.

E x p o s i t i o n
Chaque exposition met en lumière un aspect de mon travail : L’heure bleue, Zonas sensibles…


P e r f o r m a n c e
La performance est autant un lieu de transmission que de reception. J’engage mon corps et celui de l’auditoire en dessinant leur contour sur un grand papier préalablement peint et je mets mon intuition à l’épreuve car l’improvisation y tient par tradition une grande place: quelle couleur pour cette personne? Quel poème pour celle-là?

E n s e i g n e m e n t
Les élèves sont tantôt éveillés à leur potentiel artistique par des processus d’expression libre, tantôt questionnés sur leur démarche, tantôt guidés vers des exercices plus techniques de peinture, de composition ou de littérature pour aboutir à la création d’un corpus d’oeuvres.

“Juliette June produit une peinture qui allie l’intellectualité de l’héritage artistique classique et moderne à l’expression vive et vibrante du sensible, de la sensation. Ainsi, les couleurs, les lignes et la composition générale de l’œuvre établissent une synthèse, en rupture totale avec la vision analytique, comme dans la peinture japonaise qui en a le goût inné. 
L’artiste, tournant délibérément le dos à la description, retrouve la puissance suggestive et intériorisée des arts primitifs, notamment océaniens, en substituant à l’observation des éléments du réel, leur recréation, simplifiée et transposée par l’imagination et le souvenir.”

Jean-François Larralde